18 & 25 janvier 2013, visite des Seniors : l’Hôtel Nissim de Camondo.
(guide Vincent Delaveau)

Par quoi commencer ? Par l’origine de la famille ? De puissants financiers dont un des ancêtres, Isaac Camondo fonda une banque en 1802, à Istanboul, et dont les descendants ont toujours évolué, depuis, dans les milieux de la finance, de la grande industrie et de la haute aristocratie; les petits-fils, fils et cousins partageant leur temps entre le monde des affaires, les réceptions, les chasses, les séjours à Monte-Carlo ou en Suisse selon les saisons.

C’est en 1867 que le roi Victor-Emanuel II accorda le titre de comte à Abraham Salomon en remerciement de son soutien à la cause de la réunification de l’Italie, anoblissement dont jouirent tous ses héritiers.

Les de Camondo sont, certes, riches et puissants mais, au fil des générations, ce sont tous des érudits et des collectionneurs passionnés, d’abord d’objets d’arts d’Extrême Orient ensuite d’œuvres d’art décoratif français du XVIIIe siècle.

Moïse de Camondo (1860-1935) juge bon de faire reconstruire l’hôtel familial, rue de Monceau, pour mettre en valeur, dans un cadre approprié, toutes ses œuvres acquises depuis des dizaines d’années.
C’est René Sergent, architecte célèbre, qui, s’inspirant du Petit Trianon, mènera les travaux de 1911 à 1914.

Il a su également organiser, d’une manière très fonctionnelle, les espaces de service indispensables au fonctionnement d’une grande maison puisque en 1914 dans le bel hôtel reconstruit, le comte de Camondo employait quelques 20 domestiques logés et nourris sur place. Ces espaces de service réhabilités en 2003 ainsi que les salles de bains d’une grande modernité complètent la visite.

Déjà fin connaisseur du mobilier du XVIIIe siècle, il prend conseil auprès des conservateurs du musée du Louvre, de ceux du musée des Arts Décoratifs, il fréquente de grands antiquaires parisiens comme les frères Seligmann et bien d’autres encore pour ses achats.
Sa fortune facilite les transactions mais c’est son amour du beau et un gout très sûr et raffiné qui transparaissent dans chaque meuble, objet, tapis ou peinture dont beaucoup sont de provenance royale :

- Dans le vestibule de l’hôtel, entrée du musée, le grand bureau plat en acajou estampillé J.H. Riesener, ébéniste favori de la reine Marie-Antoinette.

- La très originale paire de chaises voyeuses estampillée J.B.C. Séné ayant appartenu à Madame Elizabeth sœur de Louis XVI.

- Un modèle rare de bouteille à saké en bronze laqué que possédait la Marquise de Pompadour, la plus grande collectionneuse d’objets de laque de son temps et une exceptionnelle paire de vases couverts en bois pétrifié dans le grand salon venant de la collection de Marie Antoinette.

- Dans la chambre de Moïse de Camondo le tapis de la Savonnerie qui fut livré au garde-meuble royal en 1750 « pour servir à Mesdames de France, filles de Louis XV, les fêtes et dimanches à la Chapelle de Versailles »

- Les pièces d’argenterie de la salle à manger proviennent d’un service que l’impératrice Catherine II de Russie a offert à son favori Grégoire Orlof en 1792.

Combien de merveilles encore ! Le cabinet des porcelaines, les tapisseries insérées dans les boiseries, la commode à rideaux, finesse de la marqueterie florale, le secrétaire à cylindre chef-d’œuvre de J.F. Oeben, la table à la Bourgogne ou la table à gradins en chêne plaqué de bois de rose ornée de 17 plaques de porcelaine de Sèvres que l’on doit à Martin Corbin.

Toutes ces pièces exceptionnelles étaient destinées au fils du comte, Nissim jeune homme brillant, engagé en 1914 dans l’aviation, qui perdit la vie à 25 ans dans un combat aérien en Lorraine.
Très profondément affecté par cette disparition, Moïse de Camondo fuira les mondanités, la brillante vie sociale pour laquelle l’hôtel de la rue de Monceau avait été reconstruit, mais continuera d’enrichir sa collection.

C’est pour perpétuer la mémoire de son fils, ainsi que celle de son père portant le même prénom, que le comte lègue par testament son hôtel et son extraordinaire collection au musée des Arts Décoratifs en imposant des prescriptions très précises et toujours respectées à ce jour.
C’est grâce à elles que l’on ne visite pas le musée Nissim de Camondo comme n’importe quel autre, cette demeure de la grande aristocratie juive parisienne, témoin d’un passé brillant, a conservé son âme grâce « au dernier des Camondo ».

¡ Michèle Guillaume